autoportrait
Voilà maintenant 10 ans que Douarnenez est repéré comme l’épicentre de secousses électriques au groove ardent. Car c’est bien là, au cœur de la remuante Cornouaille, que fusionne l’alliage des Red goes black : les braises rougeoyantes d’une soul impétueuse éclairent le noir chromé des guitares, comme échappées d’un âge d’or du blues-rock. De sa baie quotidienne, le combo finistérien gardait toujours un œil vers le phare ouest, les vibes afro-américaines à l’horizon : la Stax de Memphis et la Motown de Detroit, le funk du bayou et le rock sudiste de grattes branchées sur pédale fuzz. Le rêve armoricain en somme, vécu sur deux premiers albums incandescents (I quit you dead city et Fire, d’ailleurs mixés aux États-Unis), relecture absolument moderne, à l’énergie contagieuse, d’une décennie musicale enchantée (1965 – 1975).
Avec Keep it in mind, troisième opus composé avec un soin d’orfèvre entre deux confinements, le quintet montre avec brio qu’il peut aussi régler sa boussole vers le Nord, façon Bretons chez les Britons. Oui, un délicieux mood d’outre-Manche émane de ces dix nouveaux titres, ajoutant à leur potion soulful rock des fulgurances mélodiques héritées des Kinks ou des Beatles, fruits d’une écriture aux inflexions plus pop, les accords majeurs en bandoulière. Le swing électrique canaille des Stones ou la puissance de feu des Who s’invitant aussi sur certains titres, c’est tout un art british de la chanson catchy – à garder en tête all day long – qui est ici exploré dans l’écrin d’une production étincelante. Tout en continuant de faire briller leurs premières amours soul et blues, joliment mêlées à l’aventure anglaise : ainsi de la perle qui clôture l’album (“Pretty remedy”), parfait cocktail de toutes ces influences, entre méchant riff d’intro heavy, couplet qui ondule sur les traces du meilleur Stevie Wonder et refrain d’une belle puissance pop à chanter dans tout Manchester.
Est-il nécessaire de préciser que toute l’énergie contenue par le groupe ces trois dernières années, marquées par un relatif calme scénique, est désormais prête à détoner sur les routes de l’Hexagone, dans le sillage de ce bouillant